dimanche 20 juin 2010

Une femme, Une semaine ; épisode 1

Mercredi 10 juin

Je ne lui en veux pas. Je ne lui en veux plus. Mais je n’en peux plus. Cette fois c’est fini pour de bon.

Notre cohabitation est tout bonnement devenue impossible. Il faut que nous prenions l’air. Sinon. Sinon c’est l’asphyxie. On va finir par se détester. Alors qu’au fond. Je l’aime bien. Ce n’est pas pour rien que je l’aie épousé. Que je lui ai fait deux enfants. Les plus beaux. Forcément.

Le café est trop fort. J’aurais dû m’en douter en commandant. A la tête du cafetier. C’est un truc que j’ai remarqué. Moins la tête du cafetier est facile, plus son café est fort. Je ne peux m’empêcher d’allumer une cigarette. Saloperie de drogue à la con. Je me déteste quand je fais ça. Mais que voulez-vous. Je déconne en ce moment. Je me fais mal, comme pour avoir moins mal. Dans mon cœur. Et après je flippe. Comme une conne. Je me mets dans tous mes états. Alors pour me calmer je refume une cigarette.

Toutes les minutes, je regarde ma montre. Le rendez-vous est dans vingt-minutes. Vingt-minutes encore à attendre. Sur cette terrasse. Avec ce café qui refroidit à la vitesse du son. Jules doit me rejoindre d’ici quelques minutes. Il a bien voulu me donner son avis. Je ne l’ai pas forcé. Mais il m’a dit que ce serait mieux d’avoir un regard masculin. Histoire de ne pas se faire avoir. Il est mignon. Attentif. Attentionné. Il y a tellement longtemps que l’on ne m’avait pas regardé comme ça. J’ai l’impression d’avoir vingt ans de moins. D’un coup d’un seul. Quand ses yeux couleur cochon me regardent.

J’ai le cœur qui palpite. Comme une petite fille impatiente. Comme une adolescente à l’orée de son premier rendez-vous. Je le vois. Il arrive. Avec son allure de surfeur. Jules a trente ans. Je l’ai tout de suite remarqué lors de la prérentrée. Son air frais. Ses yeux pétillants. Tellement loin de ce que je vivais. Avec Fabien, ça merdait déjà. Depuis un moment.

Il m’embrasse sur les deux joues. Je me sens fondre. J’ai vingt-trois ans et plus quarante-trois.

- Alors, prête ?

- Tu parles, stressée comme y’a pas !

- Ça va aller !

Il me rassure. Depuis qu’il est là. Sa carrure. Lui. Je sais que ça va aller. Il va être là pour m’aider à faire le bon choix.

Ça n’a pas toujours été une évidence lui et moi. Au début, je le trouvais mignon, pétillant. Mais visiblement je n’étais pas la seule. Toutes les profs du collège qui ont passé la quarantaine avaient les yeux écarquillés à son passage. Je ne sais pas à quoi c’est dû.

Mos gros défaut de fumeuse ne m’a pas aidé à me rapprocher de lui. Lui bien entendu, il ne fume pas, il ne boit pas non plus, pas de café, pas de drogue. A croire que cet homme est parfait. On se souriait. On discutait. Parfois plus. On se cherchait comme deux ados. Et puis on retournait bosser. Il est prof de maths. Je suis prof de français.

- Il est l’heure, on y va ?

- Quand faut y aller, faut y aller !

Après avoir jeté la monnaie sur la table, je le rejoins, lui qui a déjà quitté la terrasse. Il me regarde toujours avec cette même intensité. Celle de celui qui est patient.

Le rendez-vous est à deux pas. La femme nous attend déjà. Peu de formalité. Allons-y. On entre.

C’est comme dans mon souvenir. Récent. Lumineux. Propre. Pas très grand. Mais suffisant. Jules regarde partout. La femme nous laisse prendre la mesure. Avant de.

- Alors Madame Piteau ?

Je regarde Jules. Je lis dans son œil. Il approuve. Nous n’avons même pas besoin de parler. Je sais. Je lis.

- Je crois que c’est bon. Je le prends !

- Bien ! Parfait !

Instinctivement je glisse ma main dans celle de Jules. Qui n’attendait que ça. Il la serre.

C’est la première fois !


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La suite de cette histoire dans 3 jours !
Bonne lecture !

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